LE GURU
Dieu Lui-même apparaît sous l'aspect du GURU. Il doit être invoqué avec une foi totale. Tout comme un Vigraha 1 ne doit pas être regardé comme un pierre, de même le GURU ne doit pas être considéré comme un simple être humain (JÎVA). Si vous Le voyez comme un être humain, vous n'avez pas trouvé le GURU. Comment un JÎVA peut-il être un GURU ? Le mot "GURU" signifie "JAGAD-GURU", Maître Universel. Le Maître Universel est celui qui vous détourne du chemin conduisant à la mort et vous met sur celui de l'Immortalité. Celui qui accomplit cela est votre GURU intérieur (ANTAR-YÂMIN). Une fois que le GURU accepte un disciple, Il ne le quitte jamais et l'aide à atteindre le But.
La question de "partir" ne se pose même pas. Où peut aller le GURU ? Demeure-t-il dans le domaine de l'aller et du venir ? C'est pourquoi si vous L'appelez "GURU", cela n'a rien à voir avec le corps humain qui est transitoire. Le GURU réside à l'intérieur. Tant que le GURU intérieur n'aura pas été découvert, rien ne pourra être accompli..
Srî Mâ Ânanda Moyî.
1. Vigraha : La Présence concrète et extrerne du Seigneur en tant que Forme. Une MÛRTI, l'Image (icône) de pierre ou de métal, consacrée par des MANTRA (rites du MANTRA CAÏTANYA et PRÂNA PRATISTHA), la dévotion et l'amour des BHAKTA (dévots) devient alors l'ISTA, le Bien Aimé Lui-même.
PRANÂMA
SALUTATION
Varnaâmarthasanghânâm rasânâm chandasâmapi.
Mangalânâm cakartârau vande vânî vinâyakau.
Salutaitons à Vânî — La Déesse Sarasvatî — de qui les sons tiennent leurs significations et les sentiments leur expression en mesures appropriées. Salutations aussi à Vinâyaka — le Seigneur Ganesa — qui assure avec succès l'achèvement de toutes les entreprises.
Srî Râmanâmasankirtanam.
SÂDHAKAKOTI
"LES CHERCHEURS DE VERITE"
"Ô dévot, où Me cherches-tu ?
Vois, Je suis là, devant toi !
Je ne suis ni au temple ni à la mosquée ;
Je ne suis ni à la Mecque ni au Kailâsa ;
Je ne suis pas plus dans les rites et cérémonies,
Ou dans le Yoga et la renonciation.
Si tu es un vrai chercheur, tu Me verras un jour.
Tu Me rencontreras à un certain moment.
"Kabir dit :
Ô Sâdhu ! Dieu est l'Existence de toutes les existences."
ASTI
"EST"
"Ô ! comment puis-je exprimer cette Vérité ?
Ô ! comment puis-je dire : "Il n'est pas ceci, Il n'est pas cela ?"
Si je dis qu'Il est en moi, le monde est incrédule,
Si je dis qu'Il est au-dehors de moi, c'est mentir.
Il rend le monde intérieur et extérieur comme un tout indivisible ;
Le visible et l'invisible sont Ses marchepieds.
Il n'est ni manifesté, ni caché ;
Il n'est ni révélé, ni non révélé.
Il n'y a rien en vérité qui puisse exprimer ce qu'Il est.
ASTI : IL EST."
Kabir.
Note : Asti "Est", est le verbe "clef" de l'Enseignement. Il exprime la non-dualité absoule : le Brahman-Un-Sans-Un-Second. Si nous écrivons "c'est", le "c' " représente le mental, la dualité qui recouvre, compare, limite ; qui crée sans cesse un second à ce qui est et nous fait vivre dans deux mondes. Si nous écrivons Asti, "Est", c'est seulement la Vision pure qui reconnaît ce qui est, sans aucune surimposition, sans aucune comparaison, sans aucune limitation. C'est pouvoir vivre cette Vérité citée dans l'Evangile de Thomas : "Faire de deux, Un". C'est vivre dans le monde réel. C'est à tout instant laisser vivre en soi, Guru Kripâ — la Grâce du Guru.
NOTE DE L'AUTEUR
Puisse le lecteur ne pas juger l'emploi fréquent de mots en termes sanskrits (souvent le même mot employé dans un sens ou une situation différente) comme un étalage intellectuel.
C'est simplement un respect de la pensée et de la tradition hindoues, telles qu'elles nous sont transmises par des Maîtres réalisés tels que Srî Râmakrsna, Svâmî Râmdâs, Srî Mâ Ânanda Moyî. Ces termes et expression ont avant tout une fonction dynamique et créatrice. Le sanskrit n'est pas une langue morte, mais le symbole de la Vie même. Il est employé dans tous les âsram de l'Inde et n'est pas réservé aux seuls savants indianistes et sanskritistes occidentaux. Heureusement.
Vivant en Inde depuis 1970, c'est aussi pour nous une forme naturelle et spontanée de pensée et d'écriture — se situant à la fois sur le plan du Relatif (lîlâ) et de l'Absolu (Nitya).
"Si vous ne regardez que le doigt qui vous montre la lune, tant pis pour vous."
Puisse cette forme d'expression ne pas lasser et dérouter le lecteur, la lectrice, mais lui donner le désir et la volonté d'aller au-delà de la forme, des mots et de la pensée ; c'est-à-dire :
"Au-delà du par-delà de l'au-delà..."
OM SÂNTI
NOTES
Les notes placées en fin de chapitre ont plusieurs buts :
1) Faciliter la compréhension du texte au lecteur non familiarisé avec la pensée de l'Inde (religieuse, sociale, culturelle...).
2) D'autres ont pour but d'éclairer et de préciser le sens du texte (points de doctrine, d'enseignement, jeux de mots...), notamment en expliquant les allusions qu'il contient.
3) D'autres soulignent les passages et les mots susceptibles de plusieurs interprétations et en discutent le sens. Ainsi : le mot darsana signifie "bénédiction" (le fait de voir, aussi) mais également désigne les grandes Ecoles de philosophie hindoue.
Varna signifie "classe sociale", mais aussi "couleur" ou "mot" samskâra désigne les "traces psychiques" laissées sur le mental après une expérience quelconque, mais aussi un rite de purification (d'un lieu ou d'un être humain -- dans le sens de sacrément). Les termes sanskrits placés dans des contextes différents donnent lieu parfois à de nombreuses traductions. Particulièrement les mots de : Yoga — Karma — Nithâ — Bhâva — Prema — Bhakti — Samâdhi — Ista — Lîlâ — Nitya — Sat — Asat — Mâyâ — Rasa — Dharma — Krpâ — Guna... que l'on retrouvera employés différemment — selon le contexte — tout au long de ce livre.
INTRODUCTION
LE SANSKRIT (1)
Selon la Tradition, la Déesse Sarasvatî, l'Epouse de Brahmâ le Créateur, Patronne des Arts, de la Musique et des Lettres — connue aussi sous le nom de Vâc, "la Parole", inventa le Sanskrit et son écriture, le Devanâgarî "l'Ecriture de la Cité des Dieux". Les langues Indo-âryennes 2 modernes (Hindî, Marâthî...) dérivent du Sanskrit qui se conserve comme langue de culture et assure à l'Inde son unité culturelle et religieuse. Ces langues et dialectes locaux en dérivent par l'intermédiaire des Prâkrit ou "langues naturelles". Le Prâkrit est apparenté au Sanskrit mais en plus simple et parlé par les premières tribus âryennes ; de très nombreuses dialectes locaux (Desa-bhâsa) tels que le Mârvârî, le Gujarâtî en découlent. Le Sâstra, "l'Enseignement écrit" ou les Ecritures sacrées de l'Inde se composent de deux groupes qui constituent la grande Tradition religieuse de l'Inde :
— La SRUTI, "la parole révélée", ou Révélation. Elle constitue l'ensemble des Ecritures révélées aux grands Rsi et Muni (sages) et viennent directement de Dieu. Ce sont les Quatre Veda (le Rig, le Sâma, le Yajur et l'Atharva-Veda) et leur partie philosophique, les 108 Upanisad ou "Cessions".
Les Ecritures Védiques révélées (Sruti) sont la base de la religion et de la mythologie, de sa philosophie, son éthique, sa culture et mêmes ses coutumes et institutions sociales. Cette période Védique s'étend des origines au VIe siècle environ avant Jésus-Christ.
Avec les grandes Upanisad prend fin la période Védique sur laquelle reposent les Six Systèmes Philosophiques orthodoxes de l'Inde ou Darsana : Sânkhya — Yoga — Nyâya — Vaïsesika — Pârva Mîmâmsâ — Vedânta.
L'Enseignement commun à tous les grands Maîtres, Saints et Sages de l'Inde comme celui de Srî Râmakrsna, Svâmî Râmdâs et Srî Mâ Ânanda Moyî prend sa source dans l'Amrta (Nectar) des Ecritures Védiques.
— La SMRTI, "la Parole transmise", ou Tradition. Elle constitue l'ensemble des Ecritures (Sâstra) retenues et transmises par les grands Sages qui avaient étudié et eu l'expérience directe (Anubhâva) des Veda et des Upanisad. Cette période s'étend environ du VIe siècle avant Jésus-Christ au début de l'ère. Ce sont les grands Itihâsa ou "Epiques Héroïques" avec les 18 Livres (Mandala) du Mahâbhârata, "La Grande Inde" (entre les IXe et Ve siècles avant Jésus-Christ) attribué au grand Rsi Vyâsa et dont fait partie la sainte Upanisad de la Bhagavad-Gîtâ (Ve au IVe siècles avant Jésus-Christ et faisant partie du recueil intitulé Bhisma-Parva, noyau central du Mahâbhârata).
Le Râmâyana, "La Geste de Râma" (VIe au IIIe siècle avant Jésus-Christ), oeuvre du Sage Vâlmîki. Les 18 Purâna majeurs, "les Antiques", récits où l'histoire, la légende et le mythe se mêlent étroitement. Certains de ces récits sont contemporains aux Veda et comme eux, ils se sont transmis oralement. Les grands Purâna s'échelonnent des premiers siècles de l'ère chrétienne jusqu'au XVe siècle environ après Jésus-Christ. L'inspiration est Védique. Les Purâna ont été rédigés dans le but de populariser les concepts Vediques (rituel, religion, philosophie) et pour le profit des personnes de basse varna (classe sociale) qui n'avaient pas accès aux Textes de la Sruti.
Un des Purâna les plus tardifs mais des plus populaires est le célèbre Srimad Bhâgavatam ou Bhâgavat-Purâna, "l'Histoire du Bienheureux Seigneur" (18 000 versets), attribué selon la Tradition à Vyâsa — ce qui lui donne l'autorité d'un écrit Vedique — et compilé par son fils Sukadeva Gosvâmi. Ce Purâna constitue une sorte de commentaire du Vedânta-Sûtra, mais il a été écrit comme un hymne à la Bhakti, au Seigneur Visnu, à Son Avatâra Srî Krsna et Sa Compagne Srî Râdhâ (c'est dans ce Purâna, Livre X.30.38 de la Rasapancâdhyâyî, que le Nom de Râdhâ apparaît pour la première fois, c'est-à-dire vers le VIe siècle après Jésus-Christ. Toutefois certaines Upanisad et certains Tantra antérieurs y font déjà allusion et l'on reconnaît en Elle l'élue du Seigneur). Ce Purâna comprend 12 Skanda (Livre ou Section). Jusqu'au dixième Skanda il nous révèle le premier aspect du Seigneur : le pouvoir et la grandeur de Visnu, manifesté sous les traits de Srî Krsna. Le dixième et onzième Skanda vont révéler un deuxième aspect du Seigneur : l'Amour et la Compassion infini de Visnu sous la forme de l'enfant (Bala) puis de l'adolescent (Kisora) Krsna, à Gokula et à Vrndâvana, en compagnie de la gopî Râdhâ ("Celle qui plaît"). Le double aspect de Srî Râdhâ-Krsna — le Couple Divin — va sublimer cet Amour et engager le dévot (bhakta) sur la voie de la Bhakti. Et dès le Xe siècle environ, ce dernier aspect du Seigneur va prendre le pas sur le premier et contribuer au renouveau de la Bhakti dans toute l'Inde.
Le nombre 108 est un nombre sacré 3. Il précède souvent le nom d'un Sage ou d'un Saint. Les 108 Histoires et Paraboles présentées dans ce livre prennent leur source dans les anciens Purâna et le Mahâbhârata. Ils nous sont transmis ici par Srî Râmakrsna, Svâmî Râmdâs et Srî Mâ Ânanda Moyî.
Leurs Causeries et Entretiens (Satsang) sont le reflet de l'Enseignement Védique et des saintes Upanisad (Sruti et Smrti).
Les Chants religieux (Kîrtana) présentés ici sont inspirés ou issus en grande partie du Srîmad Bhâgavatam 4 — C'est-à-dire ceux ayant rapport à Râdhâ et à Krsna (chapitre consacré à Srî Râmakrsna). Ce sont des Krsna-Kathâ, des propos ayant trait au Seigneur Krsna. On compte deux ordres de Krsna-Kathâ : les propos émanant des lèvres mêmes du Seigneur — comme dans la Bhagavad-Gitâ — et ceux que l'on échange à Son sujet (îsânukathâ) — comme le Srimad Bhâgavatam qui consiste principalement à établir l'autorité de Visnu, puis à décrire Son aspect tout Amour à travers Ses Actes et Divertissements (Cestâ et Lîlâ) à Vrndâvana.
La vie indienne religieuse et sociale, les différents dialectes sont pétries de Sanskrit ; ils sont au Sanskrit ce que l'Italien est au Latin. Toutefois il n'est pas utilisé comme langue vivante usuelle, sauf dans quelques rares familles Brâhmana, mais reste une langue importante de l'Inde actuelle, enseignée dans les Universités comme dans les âsram. Les Sanskrit représente pour l'Inde ce qu'a été le Grec pour le monde hellénique et le Latin pour l'Europe médiévale. Mais son usage demeure beaucoup plus grand que celui du Latin en Occident. Il reste la langue des humanités classiques indiennes et constitue une sorte d'instrument d'unité pour l'Inde moderne.
A travers ces 108 Histoires et Entretiens, l'Enseignement de Srî Râmakrsna, de Svâmî Râmdâs et de Srî Mâ Ânanda Moyî est en parfait accord avec les Ecritures philosophiques et spirituelles de l'Inde Vedique et continue directement (Parampâra) celui des grands Sages du passé. A défaut de comprendre — mais tout au moins d'avoir une approche juste — de leur expérience, il faut lire et méditer les saintes Upanisad, le Vedânta, la Bhagavad-Gîtâ, les Purâna, les commentaires de Madhva, de Sankarâcârya... C'est dans ce sens que l'on peut le mieux aborder l'Enseignement de ces trois grands Maîtres. Leur rayonnement, leur "impersonnalité", leur affirmation du Soi — de l'Âtmâ — non impliqué dans la Manifestation, ses causes et ses effets ont leur base dans une compréhension profonde et juste de l'existence et de ses problèmes. Afin de le comprendre il faut les replacer tous trois dans leur milieu philosophique, social et culturel.
Bien entendu, tout ce qui a été dit se situe sur le plan du Relatif (Lîlâ), non de lAbsolu (Nitya).
NOTES
1. Le sanskrit : Est une langue d'origine indo-européenne dans laquelle sont rédigés les grands Textes sacrés de l'Inde ancienne. Vient de SAM-KRI, "Faire complètement" ; donne l'idée d'achèvement ; la langue parfaite et noble par rapport aux PRÂKRIT, réservés à un usage profane.
2. Indo-âryen : ÂR-YA ; ARYEN, apparenté à Iranien. Désigne des groupes migrants qui, par vagues successives, se sont introduits en Inde par le nord-ouest 1800 ans environ avant notre ère, et y ont apporté leurs traditions religieuses et leur structure sociale.
3. Le nombre 108 est un nombre sacré :
En Inde ce nombre de 108, 8, 18 ou se terminant par 8 est sacré. Ainsi sont : les 8 Cakra — Les 8 Avatâra (Bouddha, le 9e Avatâra, n'est pas reconnu par toutes les Traditions comme une "Descente Divine" du Seigneur Visnu) — Les 18 Purâna majeurs — Les 8 Lokapâla, "Gardiens des points cardinaux" — Les 18 Mandala, "Livres" du Mahâbhârata — Les 18 Adhyâya, "Chapitres" de la Bhagavad-Gîtâ — Les 108 Upanisad (150 selon certains) — Les 108 saints noms de la rivière et Déesse Gangâ — Les 108 Karana, "attitudes", de la Danse Cosmique de Siva-Natarâj — Les 108 graines du Japa-Mâlâ, "le chapelet pour la répétition du Nom de Dieu" — Les 18000 Versets du Srimad-Bhâgavatam.
4. Le Srimad-Bhâgavatam attribué selon la Tradition à Vyâsa :
A ce sujet il y a de quoi faire couler de l'encre. En effet, les opinions des Orientalistes accusent un écart de 800 ans entre les positions les plus éloignées. Mais la plupart le situent entre le VIe et VIIIe siècle après Jésus-Christ. Une minorité le situent vers le XIVe siècle. Ces dates tardives semblent à écarter par le simple fait que le sage et philosophe Madhva (1199-1276), un des quatre principaux âcârya Vedântin, fondateur de la doctrine Dvaïta (dualiste) rédigea au début du XIIIe siècle au Bhâsya ou Commentaire sur le Srîmad Bhâgavatam.
Certains Indianistes occidentaux attribuent ce texte à Vopadeva, au XIIIe siècle ; mais cette opinion se heurte aussi au fait que ce grammairien et commentateur (Pandit et Bhâsyakâra) vivait au XIIIe siècle, alors que Madhva, son contemporain plus âgé, considérait déjà le Srîmad Bhâgavatam comme un Texte sacré, d'inspiration vedique, et en avait écrit un commentaire. C'est à cause du résumé qu'en fit Vopadeva à Hemâdri, son mécène, qu'on lui attribua le Bhâgavatam et le situant aussi tardivement.
La Tradition hindoue attribue et fait remonter ce Texte de la Bhakti à Vyâsa, l'auteur du Mahâbhârata. Il aurait été compilé et narré par son fils Sukadeva Gosvâmî ou Sûta. Les sources en sont les Veda, les Upanisad, le Mahâbhârata principalement, le Harivamsa et la Manusmrti. Ses sources et son ancienneté lui confère tout le poids, toute la crédibilité d'une Ecriture vedique ; faisant passer Visnu au premier plan du panthéon hindou, affermissant le culte de Son avatâra Srî Krsna et magnifiant le rôle de Râdhâ, la gopî de Vrndâvana, l'associant étroitement au Nitya-Vihâra, "Jeux éternels", du Seigneur Krsna. Constituant avec Lui une seule et éternelle unité, Srî Râdhâ va jouer un rôle de tout premier plan dans les sectes Vaisnava. La secte dite Râdhâ Vallabhi fondée en 1585 par Hitaharivamsa, un des disciples de Vallabhâcârya, va s'appuyer sur le Texte du Bhâgavatam ; pour son bhakta le but le plus élevé est le Râdhâ-Krsna-Prema, l'Amour de Râdhâ-Krsna, et le Rasa, "la saveur" (dans le sens de sentiment) qui atteint sa sublimité par leur union éternelle. Celui qui a acquis la connaissance de ce Rasa n'a plus rien à apprendre. Ici, même Krsna devient Son dévot, Râdhâ est adorée par Lui. Une telle dévotion (Bhakti), par laquelle le Bhakta perd son identité pour s'unir à Bhagavân (Dieu), voilà ce que le Srîmad Bhâgavatam et les Vaisnava veulent exprimer.
Il y a, dans la tradition Vaisnava, une très belle Nishtâ (attitude) du dévot envers son Ista ou Bien-Aimé (attitude vers laquelle se tournera Yogî Krsnaprema vers la fin de son existence), c'est celle-ci : cette idée de l'Union (Samyoga) entre Râdhâ et Krsna (symbole de l'âme humaine unie à Dieu) inspire l'adoration pour Râdhâ et on considère que le but du bhakta ne vise que cet état de Râdhâ — le Râdhâ-Bhâva — qui lui permettra d'atteindre l'union avec Krsna, étant donné que Râdhâ put l'obtenir grâce à son Amour absolu. Ainsi, Elle peut également "intervenir" auprès de Son Bien-Aimé (Krsna) afin qu'Il Se révèle à Son dévot. Le Nom de Râdhâ signifie, "Celle qui plaît" mais aussi, "Celle qui donne"... Que peut-Elle donner à un coeur pur et sincère ? si ce n'est ce qu'Elle a du plus cher au monde, Krsna.
Dans un épisode du Srîmad Bhâgavatam il est dit (1,5) que lorsque Vyâsa, l' "auteur" du Mahâbhârata, à la fin de son travail monumental, se désole sans en connaître la raison, le Sage Nârâda lui indique la cause de sa désolation :
"Tu n'as pas suffisamment célébré la gloire sans tache de Bhâgavat (Krsna) ; selon moi, la science qui n'a pas pour but de Lui plaire est une science inutile" (1, 5, 8). Vyâsa se met ensuite à rédiger le Srîmad Bhâgavatam. Ce Texte s'assimile aux grandes Sruti et Smrti, aux Veda. Il se considère même comme "plus pur que les trois Veda" (VI,2,24). Comme le dit si poétiquement Srî Ananda Nayak :
"C'est sur le fil de la Bhakti qu'il enfile tous les Textes, épisodes et idées qu'il emprunte pour en faire une lourde guirlande (Mâlâ) riche et variée autour du cou du Bhâgavat (Visnu-Krsna)."
Il est le Livre de la Loi suprême ; reconnaître Bhâgavat en tous et en tout, dans les purs comme dans les impurs, dans les justes et les injustes, les grands et les petits. Vyâsa est un grand Rsi de l'époque védique. De son vrai nom Krsna Dvaipayâna Vyâsa. Il était le grand oncle des Kaurava comme des Pândava (héros du Mahâbhârata). Fils du Rsi Paracâra et de Satyavati ; abandonné par celle-ci dans une île de la Yamunâ, il était de couleur sombre, ce qui lui valut le nom de Krsna, auquel on accola, pour marquer son origine celui de Dvaipayâna, "l'îlien" ; quant à Vyâsa, c'est un épithète qui signifie "le compilateur". Il est censé avoir réuni et dicté au Seigneur Ganesa les légendes du Mahâbhârata, dont la sainte Bhagavad-Gîtâ, pour les enseigner à l'un de ses fils spirituel et disciple.