INTRODUCTION

L'Inde est la patrie des saints et des sages depuis des temps immémoriaux.
Chaque siècle fut marqué par l'existence d’êtres extraordinaires qui attirèrent des disciples sur la voie de la réalisation de Dieu.
La vie terrestre du joyau de la couronne de la spiritualité hindoue, Shri Ma Anandamayi, s’étendit sur la majeure partie du 20° siècle (1896-1982). Des milliers de personnes de l’Inde et de nombreux autres pays, des simples villageois aux chefs d'État, furent transformés par la présence lumineuse de Ma.
Bien que l'on dise d’Elle qu'Elle était analphabète et qu’Elle n'écrivit jamais de livre, la Vérité spirituelle et l'inspiration jaillissaient de Ses lèvres chaque fois qu'Elle parlait. Sa présence transforma le cœur et la vie des gens, et cette transformation se poursuit même quarante ans après Sa disparition.
Bien que je n’aie jamais eu la bénédiction de rencontrer Ma en personne, je peux témoigner que depuis que j'ai rencontré Sa présence en lisant Autobiography of a Yogi de Paramahansa Yogananda en 1971, ma vie n'a plus jamais été la même.

Au cours des premières années de la vie de Ma, Ses vanis (paroles) furent consignées dans des journaux personnels par Ses proches dévors, et furent ensuite publiées en bengali, en hindi, en anglais et dans de nombreuses autres langues.
Les paroles de Ma sont considérées comme de l’or, pleines de la Lumière de Son Être parfait, et contiennent des cartographies sur la façon de traverser le monde matériel et d'acquérir une expérience de la Réalité ultime. Les exposés et les conversations de Ma furent suivis par d'innombrables personnes dans toute l'Inde, chacune d’entre elles se souvenant de Ses paroles en fonction de ses propres capacités.

En 1960, un événement extraordinaire se produisit dans la communauté de Ma.
Vishuddha Di, l’une des « filles » de Ma, ou brahmachärinis (nonnes célibataires au service de Ma), prit un nouveau rôle dans l’ashram. Née dans l’Assam en 1936 au sein d’une famille dévouée à Ma, Vishuddha et sa famille avaient déménagé pour vivre à proximité du Kanyapith (école pour filles) de Ma à Varanasi lorsqu'elle avait dix ans. Dans ses mémoires, My Mother Anandarmayi, elle raconte les nombreuses expériences magiques qu'elle vécut pendant son enfance avec Ma. Mais ses mémoires nous apprennent également que ce qui suit se produisit en 1960 :

Un dévot envoya de l'étranger un magnétophone Akai à quatre pistes.

Panuda me demanda de le faire fonctionner. Je n'avais jamais utilisé de machine auparavant, mais je réussis à le faire fonctionner après avoir lu la documentation de l'appareil.
Dadabhai me recommanda de garder l'appareil sur moi. Il était très lourd, mais je le portais dans un sac sur mon épaule, et je me déplaçais autour de Ma pour enregistrer Ses paroles et Ses chants. Un jour, à l'ashram de Varanasi, nous nous réunimes dans la chambre de Ma au premier étage.
Ma parlait de Sa sâdhana lilâ (le jeu de Ses pratiques spirituelles) dans Son propre Kheyâl (selon Sa divine Volonté). Je plaçai la machine sous le lit de Ma et, assis près d'Elle, j'enregistrai. Le micro était caché dans ma main pour que personne ne puisse s'apercevoir que j'enregistrais. Je craignais que si Ma voyait l'appareil, elle s'arrête de parler. Après un long moment, Ma se pencha pour me demander si j'enregistrais ou non.

J'éteignis immédiatement le micro en souriant. Certaines personnes m'interdirent d'enregistrer, de peur que l'envie de parler de Ma ne disparaisse.
Ma dit : « Quand ce corps parle, la quantité qui entre dans vos oreilles, la quantité qui va dans l'appareil et la quantité qui flotte dans l'air, tout est clair dans mon kheyâl [Volonté divine] » (1)

1 Vishuddha, My Mother Anandamayee (Varanasi: Shree Shree Ma Anandamayee Kanyapeeth, 2007)

Ce fut l'une des nombreuses fois où Ma fit comprendre à Vishuddha Di que c'était Son Kheyâl (Volonté divine) que Ses paroles soient enregistrées.
Ainsi, de 1960 à 1981, un an avant que Ma ne quitte ce monde, Vishuddha Di et peut-être d'autres « filles» de Ma enregistrèrent plus de cinquante conversations entre Ma et ceux qui étaient magnétiquement attirés par Sa Présence. Nous pourrions envisager que, d'une manière ou d'une autre, le Plan divin permit l'enregistrement de ces paroles particulières de Ma pour la postérité.

En 1973, un jeune chercheur de l'Oklahoma nommé Gadadhar (Gary Empie) s'installa dans l'ashram de Ma à Kankhal.
Au service de Ma, Gadadhar se mit à rassembler tous les enregistrements des satsangs (littéralement « réunions [rassemblements] dans la Vérité », réunions spirituelles) de Ma, dans le cadre de sa mission de collecte de matériel pour documenter la vie de Ma. Toujours est-il que Gadadhar mourut d'une hépatite infectieuse en 1982, cinq mois seulement avant que sa bien-aimée Ma ne quitte Son corps.

En présence de ses parents, Ma bénit ses cendres pour qu'elles soient immergées dans le Gange, comme il l'avait souhaité. Ses parents firent ensuite don à la Harvard Divinity School, au nom de leur fils, des archives de Gadadhar comprenant les cassettes, les photos et les livres de Ma. En 1985, la Harvard Divinity School célébra ce don, qui allait devenir the Anandamayi Ma Archive, par une réception publique au cours de laquelle je donnai une conférence sur Ma.

Entre-temps, un dévot américain de Ma, Markell Brooks, engagea un pandit de Californie, Satya Pal Sharma, pour traduire en anglais les parties en hindi des satsangs. Comme Shri Sharma ne parlait pas le bengali, il laissa ces parties des satsangs non traduites. Juste avant la réception à la Harvard Divinity School, Mme Brooks fit don de 48 transcriptions en anglais à l'Anandamayi Ma Archive, et me fit généreusement don des copies de ces mêmes transcriptions.
En 2015, je montrai la boîte de transcriptions des satsangs à mon ami et collègue, dévot de Ma, Swami Gurusharanananda. Il m'encouragea à les rééditer, à faire traduire les sections en bengali, et à les publier sous forme de livre afin que Ses paroles immortelles puissent inspirer les gens du monde entier.

Ainsi, à l'automne 2017, avec l'aide inestimable de Jaya Sanyal Bandyopadhaya, une jeune dévote de Ma qui grandit dans une famille bengalie descendant du frère cadet de Ma, je me mis à écouter les cassettes des satsangs de Ma enregistrés entre les années 1960 et 1981.
Pendant six mois, cinq jours par semaine, Jaya et moi nous assimes dans la salle de lecture de la bibliothèque Andover de la Harvard Divinity School, et écoutâmes Ma interagir avec Ses dévots, en comparant ce que nous entendions avec ce qui était écrit dans les transcriptions originales des traductions que Shri Satya Pal Sharma avait achevées entre 1985 et 1986.
Nous commencions chaque jour par les Pranam Mantras de l'ashram de Ma à Kankhal, le lieu sacré où Son corps fut enterré et son sanctuaire samâdhi établi en 1982

Dans ces satsangs, Ma s'exprime principalement sous forme de questions-réponses devant des groupes de personnes comprenant à la fois des dévots et des nouveaux venus dans la voie spirituelle.

Elle s'exprime principalement en hindi coloré de bengali, et nous avons veillé à ce que tout soit traduit correctement et ait une bonne fluidité en anglais.
En outre, Jaya a pu traduire les passages en bengali qui n'avaient pas encore été traduits. Une fois que Jaya et moi-même avons terminé notre travail sur les transcriptions, Swami Gurushara-nananda, titulaire d'un doctorat en sanskrit et en philosophie indienne, se rendit à Boston depuis l'Inde pour vérifier que tous les mots sanskrits avaient été correctement identifiés et traduits.

Cette collection de satsangs avec Ma représente une grande partie de ce qu'Elle a dit et enseigné au cours des deux dernières décennies de Sa vie.
Il s'agit là véritablement d'un trésor d'enseignements de Ma. Nous prenons connaissance de Ses dialogues avec de nombreux types de personnes, dès lors qu'Elle adapte Ses conseils aux besoins particuliers de la personne à laquelle Elle s'adresse. Nous prenons connaissance également de l'étendue et de la profondeur de Ses enseignements, lesquels découlent de Son état d'Unité avec l'Absolu.

Aussi, lorsque le moment vint pour moi de choisir un titre pour ce livre, je voulus qu'il reflète la préciosité de ce recueil de paroles de Ma, en substance Son évangile, qui signifie littéralement « bonne nouvelle ».
Cela me rappelait un livre important sur les enseignements d'un grand mystique indien du XIX siècle, Shri Ramakrishna, publié en anglais en 1942 et intitulé The Gospel of Sri Ramakrishna (L'Évangile de Sri Ramakrishna).
Au cours des quatre dernières années de la vie de Ramakrishna (1836-1886), son disciple accompli, Mahendranath Gupta, tint un journal de toutes les interactions qu'il eut avec son maître, et publia ensuite son journal en bengali sous le titre Shri Shri Ramakrishna Kathamrita (Le nectar des paroles de Sri Ramakrishna).
En 1942, le livre fut traduit en anglais par Swami Nikhilananda, un érudit renommé et disciple de l'épouse de Rama-krishna, Sarada Devi. Nikhilananda décida de renommer le livre The Gospel of Sri Ramakrishna (L'Évangile de Sri Ramakrishna), afin de refléter le pouvoir des mots et des enseignements de son maître, en pensant peut-être au fait que les évangiles de la Bible chrétienne inspirèrent et soutinrent les gens pendant 2 000 ans.

C'est ainsi que ce recueil des paroles de Shri Ma Anandamayi fut appelé The Gospel of Shri Anandamayi Ma: Conversations with the Divine Mother (L'Évangile de Shri Ma Anandamayi : Conversations avec la Mère divine).
Imaginez maintenant que vous êtes assis aux pieds de la Mère Divine, écoutant les perles que sont Ses paroles, enfilées sur le fil qui est Brahman, ou la Réalité ultime.
Puissent les gens, dans les années à venir, bénéficier de la transmission de l'état extraordinaire de Ma et de Ses enseignements à travers ces mots prononcés dans un cadre intime pendant deux décennies.

Jai Ma !

LES ENSEIGNEMENTS DE MA
TELS QU'ILS SE REFLÈTENT DANS CES SATSANGS

Dieu est Un : il n'y a pas de second

Que signifie entrer dans notre propre Etre véritable (svarúpa) ?

Réaliser ce qui EST : que Lui, l'Un, le Resplendissant par Lui-même, pénètre toutes choses, est présent dans toutes les formes, tous les états du mental2 et tous les modes d'existence. Là, le langage, les mots n'ont pas leur place. En effet, peut-on décrire la Forme essentielle (svaripa) ou l'absence de forme (arúpa) dans une langue quelconque? Lui et Lui seul EST.3

2 NDT français: Voir la note du traducteur français au sujet du terme « mental »
page xxx-xxi.
3 Anandamayi Ma, Matri Vani, Volume 1 (Kankhal: Shree Shree Anandamayi Sangha, 2010), Verset 158. [En français: Matri Vani - Une sélection des paroles de Sri Anandamayee Ma, Édition Panharmonie. Publication sans date (Probablement autour de 1965) : Paroles d'un Maître.]

Après avoir passé les cinq dernières années à m'immerger dans les paroles de Ma, telles qu'elles sont enregistrées dans ces 48 satsangs, ou rassemblements dans la Vérité, j'en arrivai à une seule conclusion.

Malgré la glorieuse inclusivité de Ma et son acceptation de toutes les voies vers Dieu, en fin de compte, Elle nous indique la Vérité de la Voie non duelle de l'Advaita Vedanta, qu'Elle articule comme Ekam Brahma Dvitiya Nâsti (Dieu est Un ; il n'y a pas de second).

Ma répète cet aphorisme sanskrit des Brahma Sutras plus de cinquante fois dans ces satsangs, ce qui témoigne de la place centrale qu'il occupe dans Son enseignement. Dans ce cas, Brahma est le nominatif singulier de Brahman, ou Réalité ultime. Ekam est Un, Dvitiya est « second » (bien que Ma le prononce comme Dvitiyo, comme le ferait un Bengali), et Nâsti est « il n'y a pas ». Ainsi, la Réalité ultime, ou Dieu, n'est qu'Un et ne peut jamais être deux. Ma répète sans cesse que notre devoir suprême est de réaliser cette Unité comme notre vraie Nature, et de voir à travers l'illusion de la dualité.

Bien que Dieu puisse apparaître comme le sans-forme ou comme le monde de la forme, la différence entre les deux n'est pas plus grande que la différence entre l'eau et la glace. Notre souffrance prendra fin lorsque nous nous tournerons vers l'intérieur, que nous nous désiden-tifierons de notre soi séparé, et que nous nous identifierons au Soi de Tout. Dieu n'apparaît donc sous la forme d'un Dieu personnel que pour amener le chercheur à la Réalité ultime, qui est Brahman.

Une autre preuve de la primauté de la non-dualité en tant que fondement des enseignements de Ma est Son choix de raconter la charmante histoire « Où Dieu n'est-Il pas ? », cinq ou six fois au cours de ces satsangs. Dans cette histoire, avec laquelle Elle ravit les dévots en jouant tous les rôles, seul un humble paysan est capable de répondre aux quatre questions ultimes posées par le roi, la première et la plus importante étant « Où est Dieu? » La réponse simple mais profonde du paysan est : « Où Dieu n'est-Il pas ? »

Lune de mes conversations préférées dans les satsangs a lieu dans la cassette 8, dans laquelle Ma parle à un dévot qui a de grandes difficultés à saisir la Vérité que chacun d'entre nous est Dieu déguisé en individu. L'homme essaie d'obtenir de Ma qu'Elle réponde à une question quelque peu futile sur le destin de Sita dans le Ramayana.

Ma persiste à lui dire d'abord qu'il est Sita, et ensuite qu'il est Rama, tous deux Dieu sur terre. Ma a beau élever la conversation au niveau ultime qui consiste à savoir qui est vraiment l'auteur de la question, celui-ci refuse d'être convaincu de sa vraie Nature. La foule qui assiste à cette conversation est prise d'éclats de rire, pensant sans doute que cet homme est idiot d'essayer de ramener Ma au niveau de la raison.

Lorsque je me surprends à juger ce dévot obstiné, je dois admettre ma propre résistance à accepter pleinement ma véritable identité en tant que Soi éternel. Bien que Ma parle à plusieurs reprises de l'objectif de réaliser la Réalité ultime, Elle affirme aussi constamment qu'il n'y a pas qu'une seule voie vers le Suprême.
Elle reconnaît que chaque personne a ses propres inclinations, et qu'une voie, même la voie sublime du Inana Yoga (le Yoga de la réalisation de l'Absolu par la Connaissance), peut ne pas convenir à tout le monde.
Elle encourage les nombreux dévots qui sont attirés par la voie du Bhakti Yoga (le yoga de la dévotion), en leur donnant des instructions explicites sur la façon de pratiquer le japa, ou la répétition d'un mantra, ou sur la façon de pratiquer leur culte matinal. Elle-même donne l'exemple d'une grande dévotion lors des cérémonies d'adoration de formes particulières de Dieu.
Pourtant, Ma nous ramène sans cesse à l'objectif de la vie spirituelle: abandonner notre concept d'existence séparée, et nous considérer comme Dieu jouant à cache-cache avec Lui-même. Heureusement, comme Ma ne cesse de le répéter, Celui qui a créé l'âvarana (le voile de l'ignorance) nous a donné les outils pour le percer et le retirer.

Les cinq composantes de la sâdhana (pratique spirituelle)

Tout au long de ce livre, vous entendrez Ma vanter les cinq composantes de la sâdhana (pratique spirituelle) : la puja (adoration), la pâth (récitation des Écritures, telles que la Bhagavad Gita ou le Hanuman Chalisa), le japa (répétition d'un mantra), le kirtan (chant dévotionnel) et le satsang (rassemblement dans la Vérité ou maintien de la compagnie d'autres dévots de Dieu). Cette formule d'une sâdhana qui prépare un chercheur à la réalisation de Dieu est assez. conventionnelle, mais Ma met particulièrement l'accent sur la dernière composante, le satsang, ou le rassemblement dans la Vérité.

Dans l'histoire mentionnée ci-dessus, « Où Dieu n'est-Il pas ? », après que quelqu'un a demandé comment un simple paysan pouvait répondre à des questions ultimes qui déconcertaient même les plus grands mahatmas, ou grands êtres, Ma semble ravie de livrer le mot de la fin : « Parce qu'il a assisté à un satsang ! ».

L'importance particulière de la répétition du Nom Divin

Tout au long des satsangs, Ma accorde une importance particulière à la répétition du Nom divin, que ce soit sous forme de japa, la répétition silencieuse du mantra, ou dans le kirtan, le chant dévotionnel du Nom divin, comme préparation à la réalisation ultime de l'Un, Dieu. Elle nous demande de « garder nos bouches douces (sucrées) » en répétant le Nom. Grâce au japa, au kirtan et à d'autres pratiques dévotionnelles, le chercheur grandit dans la bhakti, ou dévotion, jusqu'à ce qu'il ait une relation intime avec Dieu. Une fois immergé dans la Présence divine de Dieu, par la grâce du guru, le chercheur réalise enfin que Lui seul existe.

La signification de Sanyam et le Sanyam Saptâh

Bien que Ma Anandamayi ait montré peu d'intérêt pour les institutions établies en Son nom — écoles, hôpitaux, et même ashrams —, Elle faisait preuve d'un engagement et d'un enthousiasme particuliers pour le Sanyam Saptâh annuel, la retraite de sept jours de maîtrise de soi, instituée pour la première fois en 1952.
Le Kheyâl de Ma, ou Volonté divine, était que les dévots se réunissent pendant sept jours pour laisser le monde derrière eux et pratiquer le sanyam (autodiscipline ou maîtrise de soi). Cette maîtrise de soi prenait la forme d'un jeûne, à l'exception d'un repas par jour, et consistait à s'abstenir de bavarder, de fumer, de boire du thé, du café ou de l'alcool, et de se livrer à des activités sexuelles.
Quel que soit l'endroit où se déroulait la retraite, les participants, aussi riches et éminents soient-ils dans le monde, menaient une vie simple, dépourvue de tout confort. Le programme de chaque journée comprenait des exposés donnés par des mahatmas, ou grandes âmes, des kirtans, de la méditation et au moins un satsang d'une heure avec Ma, au cours duquel Elle répondait aux questions.

Seize des 48 satsangs inclus dans ce livre eurent lieu pendant un Sanyam Saptâh. Au cours de ces satsangs, Ma faisait souvent référence à l'importance pour les participants de ramener chez eux l'inspiration reçue lors de ces retraites, et d'instituer une journée de sanyam, ou de maîtrise de soi, au moins un jour par mois, sinon une fois par semaine, dans leur propre maison.
Elle considérait ces journées consacrées à la maîtrise de soi et à la pratique spirituelle comme la seule aumône qu'Elle demandait à Ses dévots. Il est clair que Ma considérait ces journées de sanyam comme le fondement du progrès spirituel, en particulier pour les maîtres de maison qui pouvaient être distraits par les exigences de la vie quotidienne dans le monde. Ma soulignait souvent que le renoncement, ou vairagya, est un état intérieur, et non le fait de porter une robe orange et de s'appeler sannyâsin, ou renonçant.
Elle préconisait souvent un retour à la vie des rishis, des maîtres de maison/pratiquants qui considéraient leur femme comme Mahalakshmi, leurs enfants comme le Seigneur Krishna ou Kumari, et traitaient tout comme divin. Elle parlait du contraste entre une personne qui vit dans une hutte, mais qui recherche intérieurement les plaisirs du monde, et une personne qui vit dans une maison, mais qui a l'attitude d'un yogi vivant dans une hutte en forêt.

L'expansion de l'aham à l'Aham et le voyage du soi au Soi

Ma parle souvent de la voie spirituelle comme de l'expansion du « je suis » individuel, ou aham, vers le « Je suis » divin, ou Aham. Grâce aux pratiques prescrites par notre guru, Ma déclare que l'on peut passer d'une personne identifiée à son soi personnel, limité et égocentrique, au Divin illimité, éternel et sans forme, ou Dieu, le Grand Je Suis. De la même manière, Ma parle souvent du voyage du petit soi individuel, âtmâ en sanskrit, vers le Grand Soi de tous, ou Âtmâ. Grâce à la pratique spirituelle, le voile de l'ignorance, ou âvarana, qui est associé au petit soi, conditionné par des vies d'expériences personnelles à croire qu'il est une personne séparée, est percé pour révéler notre véritable Nature en tant que l'Un, le Soi ou Âtma.

Karna vs. Hona

Tout au long de ces satsangs, Ma parle de la différence entre « faire » des choses, et des choses « se produisant ou arrivant » d'elles-mêmes.

Elle oppose le verbe « karna», faire ou exécuter, au verbe « hona », être, se produire ou arriver. Par exemple, Elle peut parler du sannyâsa, ou renoncement, et Elle dira qu'au début, le renonçant peut effectuer un renoncement extérieur, mais que le véritable sannyâsa ne sera pas accompli tant qu'il n'y aura pas de renoncement intérieur « se produisant » ou « arrivant » spontanément. Il en va de même pour le japa, ou la répétition du mantra, dit Ma. Au début, le japa est mécanique. Le chercheur récite le Nom de Dieu par cœur, sans devenir Un avec Lui et sans se fondre dans Ses qualités. Ce n'est qu'en s'engageant dans la sâdhana, ou pratique spirituelle, que le mantra finira par « se produire» ou « arriver» de lui-même. Elle illustre ce niveau de « hona» du mantra en racontant l'histoire « L'hôte qui récite le mantra dans son sommeil ». Dans cette histoire, un couple invite un étranger à passer la nuit dans leur maison. Au milieu de la nuit, le mari entend quelqu'un répéter le Mahâmantra (un célèbre mantra Vaisnava).
Il regarde en vain partout pour voir d'où vient le son. Il finit par découvrir que le son provient de l'hôte, qui répète automatiquement le mantra dans son sommeil. Le mari et la femme demandent à l'invité, de toute évidence réalisé, de devenir leur guru.

Le Kheyâl de Ma et la Lilâ de Ma

Deux mots reviennent fréquemment à propos de Ma: kheyâl et lilâ.

Le mot kheyâl est l'un des mots les plus intrigants, les plus énigmatiques et les plus révélateurs qu'utilisent Ma et Ses proches pour désigner l'endroit d'où proviennent Ses actions dans le monde. Nous le traduisons généralement par « Volonté divine», mais tant les érudits que les dévots ont abondamment écrit sur sa signification.

« Lilâ » est un mot sanskrit commun à la tradition Vaisnava (vish-nouite) du Seigneur Krishna qui fait référence au mouvement du Divin en tant que Conscience dans le monde manifesté comme un « jeu ».

Richard Lannoy, dans son magnifique essai photographique sur

Ma Anandamayi : Her Life and Wisdom, commence son analyse de ces deux mots par une citation de Ma Elle-même :

Un jour, à Bajitpur, je m'étais rendu comme d'habitude à l'étang, près de la maison où nous vivions, pour mon bain quotidien.
Tout en me versant de l'eau sur la tête, le kheyâl vint à moi: « Que dirais-tu de jouer le rôle d'un sâdhaka [aspirant spirituel] ? et c'est ainsi que débuta la lilâ »4.

4 Richard Lannoy, Anandamayi: Her Life and Wisdom (Rockport, MA : Element Books, 1996), p. 31.

Lannoy poursuit en citant la définition de kheyâl de l'éminent érudit et dévot de Ma, Gopinath Kaviraj :

En règle générale, il s'agit d'une émergence psychique soudaine et inattendue, qu'il s'agisse du désir, de la volonté, de l'attention, de la mémoire ou même de la connaissance, sans aucun antécédent causal adéquat pour en expliquer l'origine. Il y a un élément de spontanéité dans l'acte. Il peut donc sembler analogue aux espiègleries enjouées et aux caprices d'une mentalité excentrique et sans but précis. Mataji l'a emprunté et l'a utilisé dans son propre sens, en l'enrichissant de Ses propres associations. Dans le cas [de Mal, son kheyâl semble avoir pris forme à partir des besoins de Ses « compagnons ou compagnes ».

[Et comme Ses « compagnons ou compagnes » comprennent tous les êtres sensibles, il pouvait L'emmener dans des endroits qu'aucun de Ses proches dévots n'attendait]. Une fois exprimé, on constatait qu'une concaténation (une série d'événements interconnectés peu susceptibles de se reproduire) d'événements conduisait à son accomplissement. Le terme « lilà », le plus souvent associé aux ébats animés de kheyâla lilâ, signifie « jeu facétieux, particulièrement jeu sacré, ou jeu infiniment varié, manifestation de l'Etre suprême »5.

L'ensemble de la littérature sur les activités de Ma dans le monde regorge d'exemples de Son imprévisible Kheyâl divin. Lune des meilleures ressources sur le sujet est le livret d'Anil Ganguli, Anandamayi Mas Inscrutable Kheyal, disponible en ligne à l'adresse : https://www.anandamayi.org/.

L'inclusivité de Ma: Toutes les voies mènent à Dieu

Dans ce livre, vous trouverez de nombreux exemples de l'aphorisme préféré de Ma: « Il y a de nombreux chemins qui mènent au sommet de la montagne ». Ma honore sincèrement toutes les religions et toutes les voies spirituelles, et est prête à conseiller tout chercheur quelle que soit sa Voie. Mais plus fondamentalement, cet aphorisme est une autre façon d'exprimer la multiplicité du monde de la forme (Saguna Brahman) qui manifeste l'Un (Nirguna Brahman ou la Réalité ultime sans forme). Tout comme il n'y a pas de différence entre la glace et l'eau, il n'y a pas de différence entre la forme et l'essence. Toute chose dans le monde manifesté est une expression de l'Un qui est le but de notre vie spirituelle. Ainsi, Ma mettait toujours l'accent sur « l'unité transcendante de toutes les religions », comme l'exprime Richard Lannoy dans son livre Anandamayi : Her Life and Wisdom.6

5 Richard Lannoy, Anandamayi: Her Life and Wisdom (Rockport, MA: Element Books, 1996), p. 32.
6 Richard Lannoy, Anandamayi: Her Life and Wisdom (Rockport, MA : Element Books, 1996), p. 25.

Le « Return Ticket» (billet de retour)

L'une des phrases que Ma prononçait en anglais et qui ponctue souvent Ses exposés est « return ticket» (billet de retour). Pour atteindre la racine de la souffrance, selon Ma, le chercheur doit mettre fin à son aliénation de l'Un, à son sentiment de séparation.

Pour réussir sur la voie de la réalisation de Dieu et atteindre notre vraie Nature, il faut donc laisser tomber l'ego et abandonner tous les désirs relatifs au monde.
Si en revanche, au moment de la mort, le chercheur a encore des désirs ou des attaches terrestres, il recevra un « return ticket», et reviendra vivre une autre vie.
Le ton de Ma lorsqu'Elle utilise ces mots est souvent très léger, comme pour réprimander: « Vous ne voulez pas revenir pour souffrir à nouveau, n'est-ce pas ? ».

« Telle est votre façon de jouer, telle sera votre façon d'entendre»

Ma répète fréquemment cet aphorisme unique : « Telle est votre façon de jouer, telle sera votre façon d'entendre ».
Cela semble être Sa façon d'exprimer qu'en tant qu'Instrument divin, Elle fournit des réponses qui reflètent l'état de la personne qui pose la question.
Il arrive souvent que quelqu'un pose une question à Ma, et qu'Elle ne réponde que par cet aphorisme, ce qui indique que Son Kheyâl, ou Volonté divine, n'est pas « joué» correctement pour même susciter une réponse. L'extraordinaire dévote autrichienne de Ma, Atmananda, remarque, en parlant de Ma comme de l'Instrument divin, « Le miracle est qu'il répond même en jouant silencieusement ! »7

En d'autres termes, dans certains cas, une personne peut seulement penser à une question, et Ma parlera de ce sujet sans qu'on le lui demande.

7 Anandamayi Ma, Words of Sri Anandamayi Ma, translated by Atmananda (Calcutta: Shree Shree Anandamayee Charitable Society, 1982), p. iii.

L'habileté dans les moyens

Lorsqu'on parle du Bouddha, les gens le décrivent souvent comme possédant une « habileté dans les moyens », ce qui signifie qu'il avait la capacité de diriger l'enseignement parfait pour une personne particulière vers cette personne. Atmananda écrit, dans la préface de Words of Sri Anandamayi Ma :

On a dit d'Elle qu'elle avait le mot juste, au bon moment, de la bonne manière, pour chaque chercheur de Vérité, qu'il soit croyant de n'importe quelle confession, ou agnostique, intellectuel ou artiste, érudit ou analphabète, débutant ou très avancé dans la voie.

Tout comme la terre fournit à chaque plante la substance nécessaire à sa croissance, Sri Ma Anandamayi guide chaque aspirant, en fonction de son caractère unique et de ses besoins à tous les instants particuliers.

Ses réponses ne sont pas le fruit d'un mental. Elle a souvent déclaré sans équivoque qu'Elle ne parle pas à « un autre ». Pour Elle, tout est l'Etre suprême unique, qui Se manifeste dans une diversité infinie, tout en étant au-delà de l'expression et de la limitation, sans forme, immuable, inconcevable. En Cela, il n'y a pas de place pour les distinctions, bien qu'elles existent à notre niveau. Les questions sont posées du point de vue de l'individu, mais la véritable réponse se trouve au-delà du mental-ego, là où il n'y a ni séparation, ni divergence d'opinion, et Sri Ma lui donne une expression ».

« Ce corps n'est qu'une petite fille »

Tout au long de ce livre, vous entendrez Ma se référer à Elle-même comme « ce corps », ou à la troisième personne comme « Elle ». Cette pratique semble refléter l'identification complète de Ma en tant que Purna Brahma Narâyana (l'Absolu), plutôt qu'en tant qu'être humain.

Qui plus est, en présence de mahatmas, ou grands êtres, et de pandits, ou érudits, Ma se désigne toujours comme « ce petit enfant» ou «cette petite fille». S'identifier de cette façon est généralement considéré comme un signe d'humilité de Ma. Cependant, il me semble que Ma, en tant que Réalité ultime, est au-delà des polarités de jeune et de vieux, de parent et d'enfant, d'orgueil et d'humilité.

Là où il n'y a qu'une vision de l'Un et pas de second, l'humilité ne peut même pas se manifester: Peut-être que le fait que Ma parle d'Elle-même de cette manière est plus une démonstration de « l'habileté dans les moyens ».
Il est clair que Ma était incapable de s'attacher à une forme humaine ordinaire, pourtant, en S'identifiant à un petit enfant, Elle élève les mahatmas et les pandits qui l'entourent, tout en les désarmant en même temps.
L'humilité est largement considérée comme une marque de grandeur dans le monde spirituel indien. Néanmoins, toute personne en présence de Ma, faisant l'expérience de Son immensité et de Son éclat, devait être déconcertée par l'insistance de Ma à dire qu'Elle ne sait rien et qu'Elle n'est que leur « petite fille ». Cela eut peut-être l'effet paradoxal de servir de preuve de Sa grandeur.

La nostalgie de Dieu

Selon Ma, la qualité première d'un chercheur qui réussira sur la voie spirituelle est une intense nostalgie de Dieu. Posséder le bon bhâva, ou attitude dévotionnelle pure et extatique, dit Ma, est l'ingrédient principal pour atteindre le Divin. Dans le Sad Vani, Ma est citée en ces termes :

Voulez-vous être délivrés des liens du monde?
Alors, en pleurant abondamment, il vous faut crier du fond de votre cœur: « Délivre-moi, grande Mère du monde, délivre-moi ! ».
Pour obrenir Sa grâce, il vous faudra verser des larmes bien plus abondantes que lorsque vous désirez les choses du monde.
Lorsque, par la nourriture de vos larmes, l'intérieur et l'extérieur se seront fondus en Un seul, vous trouverez Celle que vous avez cherchée avec tant d'angoisse, plus proche que le plus proche, le souffle même de la vie, le coeur même de chaque coeur.8

Puissions-nous aspirer à une telle nostalgie afin d'être délivrés à notre tour ! Jai Ma!

8 Anandamayi Ma, Sad Vani: A Collection of the Teaching of Shri Anandamayi Ma, as reported by Bhaiji (JC Roy) (Calcutta: Shree Shree Anandamayee Charitable Society, 1973), Aphorisme 87.

COMMENT LIRE CE LIVRE

Langue et traduction

Tout au long de ces satsangs qui eurent lieu entre 1960 et 1981, Ma s'exprimait principalement en hindi, ponctué de sanskrit. Occasion-nellement, cependant, Elle passait à Sa langue maternelle, le bengali.

Plus occasionnellement encore, Elle prononçait un mot anglais. Par exemple, comme nous l'avons déjà mentionné, lorsqu'Elle parlait de l'inévitabilité pour une âme de devoir revenir dans une autre vie sur terre si elle n'avait pas épuisé son karma des vies précédentes, et n'était pas réalisée, Ma disait qu'elle recevrait un « return ticket (billet de retour) ».
Elle utilisait systématiquement le mot anglais « line » pour désigner la lignée spirituelle ou la ligne d'approche. Ma utilisait aussi fréquemment les mots anglais « time » et « packet ». Les termes que Ma a prononcés en anglais sur les cassettes de satsang sont entre guillemets.

J'ai choisi de translittérer la plupart des mots sanskrits prononcés par Ma, plutôt que de leur attribuer une seule signification en anglais.

Ces mots sont translittérés et présentés en italique avec les définitions anglaises entre parenthèses.
Vous constaterez que les définitions varient en fonction du contexte. Ma utilise quelques mots sanskrits de manière répétée. Plutôt que de répéter plusieurs fois les définitions, ces mots importants sont définis ici.

Dans le texte, les mots suivants apparaissent en italique sans les définitions :

guru ou Guru
— littéralement, un maître spirituel qui fait passer un disciple de l'obscurité à la lumière; le guru personnel est celui qui guide un chercheur sur la voie de la réalisation du Soi, tandis que le Guru universel ne fait qu'Un avec Dieu et guide le chercheur de l'intérieur.

satsang
— littéralement, en compagnie de la Vérité; un rassemblement dans lequel les gens reçoivent et contemplent les enseignements d'un maître.

darshan
— voir et être vu par le Divin, soit une représentation d'un dieu ou d'une déesse, soit une personne sainte.

mahatma
— grande âme, par exemple le Mahatma Gandhi.

mantra
— syllabes sanskrites sacrées à réciter. Elles évoquent une manifestation du Divin et sont, en fait, considérées comme ne faisant qu'Un avec le Divin qui est nommé.

japa
— répétition du mantra.

karma
— action; la somme des actions d'une personne dans cet état d'existence et dans les précédents, considérée comme décidant de son destin dans les existences futures.

pandit
— enseignant dans un domaine spécialisé relatif à la philosophie ou à l'éthique hindoue.

yoga
— Bien que le mot yoga soit familier aux Occidentaux, il est généralement associé au hatha yoga, ou yoga des asanas, ou postures physiques. L'utilisation du mot par Ma est beaucoup plus large et connote l'union avec la Réalité absolue à travers différents types de pratiques de yoga: Kriyâ Yoga (le yoga de la combinaison de nos actions avec Dieu), Râja Yoga (le yoga de la méditation), Bhakti Yoga (le yoga de la dévotion), etc.

kirtan
— chant dévotionnel des Noms de Dieu en appel et en réponse.

Il y a un mot couramment utilisé en anglais — ashram, ou communauté spirituelle - qui n'a pas d'italique ni de définition dans ce livre. Cependant, le mot sanskrit âsramâ apparaîtra en italique avec la définition « étape de la vie ».

Il a été embarrassant de déterminer comment translittérer les mots et les phrases qui ne sont pas en anglais dans ces satsangs, car Ma et Ses dévots parlent une combinaison d'hindi, de bengali et de sanskrit.

Pour faciliter la lecture, j'ai choisi un modèle phonétique hybride pour l'hindi, le sanskrit et le bengali, en m'attachant en particulier à distinguer le « a » simple du « a » double.


Par exemple :

नारायण: Naaraayana → en français Nârâyana9

दयानम्: dyaanam → dhyanam

भाव: bhaava → bhâva

Dans certains cas, le "I" long à la fin des mots a été indiqué comme un simple "I", plutôt que "i", comme dans l'édition anglaise.

Par exemple,

कुंडलिनी kundalini (pas kundalinî)

ब्रह्मचारी brahmachâri (pas brahmacharî)

Les noms de lieux apparaissent sous leur forme anglicisée, sans voyelles distinctives, tout comme les personnages hindous contempo-rains, tels que Ramakrishna.

Le processus de traduction et de translittération de ce livre s'est déroulé en plusieurs étapes. Il débuta en 1985 lorsque Satya Pal Sharma fut engagé pour écouter les enregistrements des satsangs de Ma, les transcrire en hindi, puis les traduire en anglais.
Près de trente ans plus tard, ma collaboratrice, Jaya Sanyal Bandyopadhaya, et moi-même avons écouté les 48 cassettes originales à la bibliothèque d'Andover, corrigeant et éditant les traductions de M. Sharma, et ajoutant des traductions pour les mots sanskrits, ainsi que des traductions du bengali pour les sections bengalies que M. Sharma n'avait pas été en mesure de traduire.
En 2018, Swami Gurushara-nananda se rendit à Boston pour vérifier les définitions sanskrites du livre. Je vous présente mes plus sincères excuses si, malgré nos efforts, certains mots prononcés par Ma n'ont pas été translittérés et/ou traduits correctement pour refléter leur sens exact ou l'intention divine de Ma.

9 Note du traducteur français: Nous avons adapté les translittérations anglaises des voyelles de manière à ce qu'elles correspondent à des sons français. C'est ainsi que le son « ee », qui n'existe pas en français, devient « i»; « aa » devient « â»; « oo » devient « û »; le « u » devient « a » (pundit = pandit).

Juste comme l'a dit Ma

Lorsque je découvris ces satsangs sous forme de transcriptions, les sujets abordés par Ma étaient variés. Certaines questions furent posées à plusieurs reprises et Ma y répondait, toujours en fonction de l'état de la personne qui posait la question. Certaines conversations étaient quelque peu fragmentaires, peut-être en raison de défauts dans la bande originale, ou parce que quelqu'un avait oublié d'allumer le magnétophone. Dès le début, la question se posa de savoir s'il fallait supprimer les répétitions et les conversations apparemment banales ou fragmentaires. En fin de compte, j'ai décidé qu'il ne m'appartenait pas de donner une forme substantielle à ce livre, et j'ai donc décidé de laisser tout le matériel transcrit dans l'ordre chronologique, y compris certaines phrases incomplètes, le langage crépusculaire (langage ésotérique sibyllin parlé par Ma en samâdhi profond), et même les conversations anodines. Il existe de nombreux et beaux livres sur les enseignements de Ma, avec des citations choisies et importantes (voir la bibliographie en annexe A), mais j'ai senti que la meilleure façon d'honorer Ma était que ce livre soit une collection complète de tout ce qui avait été enregistré sur les cassettes collectées par Gadadhar:

Ces transcriptions sont le cadeau de Ma pour nous, et il y a tant à apprendre de tout ce que Ma a dit pendant ces 48 satsangs.

Dans cet esprit, j'ai décidé d'inclure toutes les répétitions que Ma a faites dans les satsangs enregistrés, pensant que, si Elle a dit quelque chose deux ou trois fois de suite, c'est que la situation exigeait de mettre l'accent sur ce point. Encore une fois, il m'a semblé important d'honorer chaque mot de Ma. Ce respect de chaque mot s'applique également aux histoires. Tout au long des satsangs, Ma raconte près de vingt histoires différentes, mais Elle en répète certaines quatre ou cinq tois. Il semble important de noter les histoires qu'Elle a mises en avant dans le cadre de Ses enseignements et la façon dont elles ont changé au cours de la narration en fonction du contexte. L'annexe B comprend une liste des histoires.

Les jeux de mots de Ma

Richard Lannoy qualifie fort à propos la façon dont Ma utilise les termes de « jeu de mots éblouissant10 ».
Ma utilisait fréquemment des calembours avec des mots hindis, bengalis ou sanskrits pour souligner un point qu'Elle voulait faire valoir. Le bengali, la langue maternelle de Ma, en particulier, est une langue qui offre de nombreuses possibilités de jeux de mots. Cependant, il est bien connu qu'il peut être très difficile de convertir un jeu de mots d'une langue à l'autre.

Aussi veuillez m'excuser si je n'ai pas réussi à rendre pleinement l'humour de Ma, ou son intention d'enseigner avec l'un ou l'autre de ces calembours.

10 Richard Lannoy, Anandamayi: Her Life and Wisdom (Rockport, MA: Element Books, 1996), p. 22.


Le sexe de Dieu

Tout au long de ce livre, Ma utilise différents pronoms pour désigner

Dieu ou la Réalité ultime. En général, lorsque le mot pour Dieu a été traduit par « Il », Ma peut vouloir dire « Il » ou « Elle ». Souvent, en fait, Ma se réfère à Dieu comme à « Elle ».
En outre, Ma utilise souvent le mot « Vah» ou « Cela» pour désigner l'Absolu et parfois « Bhagavân», qui signifie Dieu ou Seigneur.
De peur que le lecteur n'ait l'impression que Ma voyait Dieu au masculin, j'ai sélectionné un paragraphe de la cassette 22 qui démontre la variété des mots utilisés par Ma pour signifier Dieu, l'Absolu ou la Réalité ultime - certains masculins, d'autres féminins et d'autres neutres :

Prenez le support du Nom et de la forme qui vous permettra d'atteindre Hamko (Lui). Il vous a donné le nom et la forme qui ne sont pas immortels, mais après vous avoir donné ce nom et cette forme, cet Immortel même est entré en vous. Bhagavân (Dieu qui possède tous les attributs positifs) est entré en chacun.
Accrochez-vous à Lui. Si vous aimez la voie du Nom, adoptez-la. Si vous aimez la voie de la forme, suivez-la.
Prenez le support du Nom et de la forme qui vous plaisent. Si vous voulez emprunter la voie du karma, de l'action et de l'œuvre, suivez-la. Agissez.
En pratiquant cette « ligne » d'action, vous devez être si parfaits qu'il ne devrait pas y avoir de différence entre le karma et l'akarma (l'action et l'inaction). Qu'est-ce que l'action? Qui est là sous la forme de l'action? Bhagavân seul. Personne d'autre.
Vah (Cela) est Nityakriyâ (sous la forme d'une Action éternelle). C'est pourquoi on L'appelle Shakti (Pouvoir divin).

On L'appelle Shakti et Mahâshakti (le grand Pouvoir divin), Pourquoi ? Bhagavân est Celui qui est présent dans la shakti (pouvoir) de l'acte, Bhagavân est toujours là parce que Vah (Cela) est le Pouvoir éternel.
Lorsque vous agissez, vous entrez en contact avec ce Pouvoir éternel qui existe dans cette action.
Une fois que vous atteignez ce Pouvoir par le biais de cet acte, et que vous entrez en contact avec ce Pouvoir éternel, vous ne verrez que Lui dans cette action; c'est alors que Lui, qui est sous la forme de l'action, ne peut s'empêcher de se manifester Lui-même à vous.
C'est pourquoi il vous faut essayer d'entrer en contact avec cette Adyashakti (Pouvoir divin originel) et cette Mahâshakti (grand Pouvoir). C'est Vah (Cela) et Vah seul. Vous Le réaliserez.

Il semble préférable pour nous de considérer Ma comme étant au-delà des concepts, au-delà de la dualité. L'utilisation qu'Elle fait des pronoms dans Ses satsangs lorsqu'Elle se réfère à Dieu reflète Son établissement dans une réalité au-delà du Nom et de la forme.

Il semble que, selon Ma, aucun Nom ou pronom pour Dieu ne devrait être considéré comme ayant plus de poids qu'un autre.

Les enregistrements de ces satsangs

Comme nous l'avons mentionné précédemment, les enregistrements de ces satsangs se trouvent à la bibliothèque Andover de la Harvard Divinity School, dans les Anandamayi Ma Archive. Il y a quelques années, Harvard a numérisé ces enregistrements et les a rendus disponibles en ligne. Dans l'annexe C, vous trouverez les liens vers les enregistrements numériques de chacun des 48 satsangs de ce livre.

Si vous imaginez un magnétophone des années 60 ou 70, vous pouvez vous figurer que la personne qui enregistrait le satsang de Ma un jour donné avait pour tâche d'allumer et d'éteindre le magnétophone lorsque le satsang était interrompu par quelque chose (chant, repas, conversations privées, etc.). Ces pauses dans les conversations enregistrées entre Ma et les dévots sont représentées dans ce livre par le signe 0380. En outre, les interruptions qui se produisaient lorsqu'une cassette devait être retournée sont représentées par la mention « Face B ».

Si vous décidez d'écouter la version numérique d'un satsang particulier sur le site Internet de la bibliothèque Andover de Harvard, soit parce que vous parlez hindi, soit parce que vous voulez simplement écouter la voix de Ma, ces indications de coupures vous aideront à suivre la transcription de cette cassette particulière.

Le rire de Ma et le ton joyeux de ces satsangs

Même si vous ne comprenez pas le hindi ou le bengali, je vous recommande vivement d'écouter certains des enregistrements numériques correspondants à ces transcriptions de cassettes. Si vous lisez les paroles de Ma sans l'entendre les prononcer, vous manquerez le ton vivant et joyeux de ces satsangs. J'ai inséré des indications entre crochets qui indiquent les moments où Ma rit et où l'auditoire se joint à Elle dans le rire. Il est important de se rappeler que Ma Anandamayi signifie « la Mère remplie de félicité» ou même « la Mère remplie de joie », et que ces discours spirituels, aussi profonds soient-ils, étaient également pleins de taquinerie et d'espièglerie. Le rire divin de Ma était souvent appelé attahasi ou « le rire du tonnerre» en raison de son pouvoir d'élévation et d'éveil. De nombreux dévots ont décrit le pouvoir du rire de Ma d'élever et de transformer la conscience. D'autre part, il y a des moments, en écoutant les cassettes, où l'on peut sentir le sérieux de la voix de Ma, Son insistance pour que la personne à qui Elle s'adresse, ainsi que l'auditoire plus large, comprennent ce qu'Elle dit.

J'ai également inclus des commentaires entre parenthèses ou entre crochets pour souligner ces moments de sérieux qui font partie de Sa divine Lila, ou Jeu de la Conscience.

Commentaires limités

Les transcriptions originales des satsangs de Ma, tels que traduits par Shri Satya Pal Sharma, comprenaient les commentaires détaillés de Shri Sharma sur les paroles de Ma. J'ai choisi de limiter les commentaires au minimum, en les incluant uniquement lorsque j'estimais que le lecteur pouvait bénéficier d'une définition élargie ou de quelques lignes de contexte.

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Gubya Prashna (La question secrète)

Il y a une question secrète que je vous invite à considérer en lisant ces satsangs avec Ma: Qui est Ma? C'est la question que j'ai posée aux dévots de Ma lorsque je les ai interrogés pour mon premier livre sur Ma, Mother of Bliss : Anandamayi Ma (1896-1982), et j'ai reçu autant de réponses différentes qu'il y avait de dévots - la Mère divine, Brahman (la Réalité ultime), un avatara (une Incarnation divine), Purushottama (l'Ètre suprême), ma Mère, et ainsi de suite. En lisant ces conversations entre Ma et Ses dévots, peut-être obtiendrez-vous des aperçus sur ce qu'est Ma pour vous. Bien qu'Elle ne puisse être définie ou confinée par des mots, Elle peut être puissamment ressentie dans le cœur.

Ma tend la main à travers le temps

Comme nous l'avons mentionné plus haut, une chose qui apparaît clairement à la lecture de ces satsangs, c'est que Ma donne différentes réponses à différents interlocuteurs, faisant preuve d'une habileté immaculée dans les moyens. Il est également clair que Ma était capable d'atteindre en même temps plusieurs participants à ces satsangs. Nous pouvons imaginer que Ses paroles, prononcées il y a quarante à soixante ans, s'adressent à nous, les lecteurs de ce livre, avec autant d'habileté et de précision qu'elles s'adressaient à Ses auditoires en direct il y a tant d'années. Du point de vue de la Conscience illuminée, il n'y a pas de temps. Puissions-nous découvrir le message de Ma qui nous parvient de l'Intemporel, et que notre vie spirituelle en soit inspirée et enrichie!

Jai Ma !

REMERCIEMENTS

Je n'aurais pas pu mener à bien ce projet sans l'aide généreuse des personnes suivantes.

Mes remerciements les plus sincères vont donc à :

Jaya Sanyal Bandyopadhaya, qui a passé six mois assise à mes côtés à consulter les archives de la Harvard-Andover Theological Library Bibliothèque nationale Andover à Harvard], à écouter Ma parler dans son hindi unique agrémenté de bengali, à suivre la traduction originale mot par mot, à la corriger et, dans certains cas, à la compléter lorsque Ma parlait en bengali. Nous commencions chaque session par la belle voix de Jaya qui nous dirigeait dans le chant des mantras d'introduction de Ma. Avec beaucoup d'amour et de concen-tration, Jaya s'assurait que les mots de Ma étaient fidèlement traduits.

Ce fut une tâche joyeuse qui nous permit de devenir des amis de Ma pour la vie.

Le regretté Pandit Satya Pal Sharma, fondateur de la Vedic Univer-sity of America à San Diego, qui fut engagé par Markell Brooks en 1985 pour fournir la première traduction en anglais des transcriptions en hindi des cassettes de satsangs de Ma. Après quatorze années d'enseignement du sanskrit à Vrindavan, en Inde, Shri Sharma occupa le poste de responsable de l'hindi au Ministère indien de l'Education. Après avoir pris sa retraite, il donna des conférences sur l'hindouisme à Nairobi, en Angleterre et au Canada, avant de s'installer en Californie. La Vedic University of America qu'il avait fondée proposait des cours de sanskrit et d'hindouisme aux étudiants en ligne jusqu'au décès de Shri Sharma en 2006.

Jessica Suarez (conservatrice des manuscrits et des archives), Maurin Jennings (bibliothécaire associée pour la gestion des collec-tions), Douglas Gragg (bibliothécaire de la Harvard Divinity School) et l'ensemble du personnel des archives de la Harvard-Andover Theo-logical Library, qui nous accueillirent généreusement et mirent à notre disposition les cassettes audio des satsangs de Ma dans leur salle de lecture. Nous remercions tout particulièrement Maurin qui nous aida à obtenir les autorisations finales pour la publication.

Dorothy Drennen, amie chère depuis près de quarante ans, collègue spécialiste de l'hindouisme, chef de projet et éditrice, qui passa des heures par jour à m'aider à choisir les meilleurs outils d'édition, à réviser les textes avec moi, à faire circuler les documents, à réfléchir aux prochaines étapes et, en fait, à me tenir la main tout au long de ce projet qui dura cinq ans. Je n'exagère pas en disant que ce livre n'aurait pas pu être achevé sans elle !

Swami Gurusharanananda, mon guru, qui m'encouragea fortement à utiliser les transcriptions qui m'avaient été données, et à les rendre lisibles et précises, puis à les rendre accessibles au monde entier. Je n'oublierai jamais la semaine que nous passâmes à examiner chaque transcription, vérifiant les passages douteux et corrigeant ma traduction des mots sanskrits. Maujan (Quelle joie !)

Acharya Mangalananda, mon autre frère guru, qui me fit rencontrer deux grands dévots de Ma - Baba Kedarnath, de qui je reçus l'initiation à la lignée de Ma, et le regretté Ashok Kulkarni, qui m'inspirera toujours par ses paroles et sa dévotion.

Rhett Nichols, qui fut toujours disponible pour m'aider à formater et à fusionner les documents rassemblés pour former ce livre.

Katy Blackman et Roland Olson, dévots de Shri Ramana Mahar-shi, qui relurent généreusement ce manuscrit et offrirent des suggestions sur la manière de l'améliorer.

Markell Brooks, un vénérable dévot de Ma, qui engagea d'abord Satya Pal Sharma pour traduire les enregistrements en anglais, et qui ensuite fit don des transcriptions à la Bibliothèque Andover de Harvard pour la collection Anandamayi Archive. Plus récemment, Markell offrit de généreuses subventions pour m'aider à terminer ce livre.

Nos chers amis, Connie et Barry Hershey, dont les généreuses subventions me permirent de travailler à plein temps sur ce livre pendant plus de deux ans.

Chandravali Schang, fille spirituelle dans le sillon de Ma, traductrice des paroles de Ma en allemand et en anglais, et éditrice de nombreux livres sur Ma, qui découvrit une lettre qui m'aida à identifier le premier traducteur des satsangs de Ma, Satya Pal Sharma.

Christopher Pegler, fidèle dévot de Ma, qui donna tant au monde en diffusant inlassablement la Présence de Ma en ligne à travers le site www.anandamayi.org et les vidéos You Tube de SriRam108. Son soutien et ses encouragements incessants furent une vraie bénédiction.

Le photographe Richard Lannoy, dont les photos captivantes ornent la première page de nombreux chapitres, et dont le livre Anandamayi: Her Life and Wisdom, inspira tant de lecteurs.

Vishuddha Di, qui grandit comme l'enfant de Ma, et qui vit actuellement près du samadhi de Ma à Kankhal, en Inde; elle enregistra fidèlement ces satsangs sur une période de vingt ans, et elle continue à servir Ma en écrivant ses expériences avec Elle.

Sarah Miles, « fille » de Ma, qui m'offrit une aide considérable en révisant et en relisant l'ouvrage au cours des dernières étapes.

Beverly Reifman, ma meilleure amie depuis plus de quarante ans, qui sait toujours m'encourager lorsque les obstacles semblent insurmontables, et dont l'amour compte beaucoup pour moi.

Ted Hallstrom, mon mari et mon soutien, qui comprit que Ma voulait que j'entreprenne ce projet, et qui me soutint du début à la fin, y compris en préparant le dîner tous les soirs où je fermais tardivement mon ordinateur.

Swami Dayananda, dont l'amour et la sagesse m'accompagnèrent tout au long de ce processus. Et notre famille à l'ashram de Ma à Hawaï, qui nous inspire toujours par sa dévotion à Ma. Quel cadeau ce fut de pouvoir rester au paradis pendant quelques semaines chaque hiver, tout en étant nourrie et soignée, alors que je travaillais sur ce livre.

La Lumière divine qu'est Anandamayi Ma, l'Absolu qui prit forme et honora ce monde pendant 86 ans, pour ensuite retourner à Akhanda (le Tout sans forme), d'où elle nous guide dans notre retour à notre véritable Foyer, la Réalité absolue, une et indivise.

Jai Ma!

Remerciements du traducteur français

Mes plus vifs remerciements à toutes les personnes qui m'ont soutenu et aidé dans la traduction de ce merveilleux ouvrage :

Dre Lisa Prajna Hallstrom et Acharya Mangalananda pour leur soutien, avis et conseils ; Dr Patrick Laude, Georgetown University Washington au Qatar, et Dr Jean-Pierre Lafouge, Marquette Univer-sity, Milwaukee, Wisconsin, pour leur patiente relecture ; Francesc Gutiérrez pour son aide précieuse dans le formatage et le design de l'ouvrage ; ainsi que Pushkin Rahman, pour la précision de certains termes bengalis.

Notes importantes du traducteur français

Par souci de précision, nous avons pris l'habitude, pour des textes hindous, de traduire dans la majorité des cas — mais non systématiquement - le terme « mind » (manas, ou un terme équivalent) par « mental ». Certains traducteurs le traduisent systématiquement par « esprit ». Or « esprit » (spirit en anglais) vient du latin « spiritus», et désigne avant tout une réalité (spirituelle) située au-delà du mental proprement dit. Il s'agit là d'un glissement de sens qui n'est pas sans créer quelque ambiguïté.

Il nous a paru dès lors préférable de garder le sens étymologique du terme « esprit », que nous réserverons pour traduire « spirit », sauf dans des expressions telles que « garder à l'esprit» (donc garder dans le mental), « avoir à l'esprit », « venir à l'esprit » etc., là où le sens ne fait aucun doute pour le lecteur français. « Esprit » a bien entendu plusieurs autres sens (les mauvais esprits - bad spirits, etc), mais qui sortent de notre contexte. Ajoutons que le terme « mental » n'est pas toujours négatif, notamment quand Ma parle de « renforcer son mental», terme qui désigne alors les facultés positives de dis-crimination, l'intelligence raisonnante » (voir par exemple les cassettes 19 et 92).

Il convient donc de prendre le terme « mental» dans son acception la plus large — selon le contexte —, et d'éviter de le restreindre à sa signification psychologique moderne.

[Wikipédia: Manas (IAST ; devanagari: मानस| ) est un terme sanskrit et concept de la philosophie indienne qui comporte de multiples acceptions. Dans les Yoga Sútras de Patañjali et le vedanta, ce terme désigne indifféremment le mental, mais aussi l'intellect (buddhi), l'inconscient (citta) ou la conscience ordinaire à l'état de veille ou ego (ahamkara). Dans le bouddhisme, il est le sixième sens qui entre en contact avec les objets mentaux.

Dans les Yoga Sútras de Patanjali, ce terme désigne le mental. Dans la philosophie samkhya, il est l'un des trois constituants (avec buddhi et ahamkara) de l'instrument interne: l'antahkarana. Le vedanta ajoute parfois citta à ces trois constituants, on parlera d'organe interne quadruple (antahkarana catustaya).

René Guénon remarque que manas, le « mental» ou « sens interne », auquel est inhérente la « conscience du moi» (ahamkara), est dans la tradition hindoue une caractéristique de l'individualité humaine la différenciant des autres êtres du monde vivant. Il note que la racine de ce mot sanscrit se retrouve dans le latin mens, l'anglais mind, etc. Cette racine man ou men étant souvent utilisée dans des mots servant à désigner l'être humain lui-même.

Comme dans notre traduction de Mother reveals Herself (Mère se révèle, éd. Unicité, 2022) une même difficulté de traduction a surgi : la langue anglaise n'a pas — à la différence du français - de terme spécifique pour marquer la différence entre la forme familière (tu) et la forme polie (vous). Seul le « you » existe, qui est parfois l'une parfois l'autre, selon le contexte, et, dans le langage parlé, la façon de s'exprimer. Cette nuance n'est donc pas décelable à la lecture d'un texte anglais.

Tant le bengali que le hindi, comme nous l'apprend le Guide de conversation Hindi, Ourdou et Bengali (De Lonely Planet, 3ème édition du 8 juin 2017, p. 26 et 186), distinguent trois formes pour le pronom personnel à la deuxième personne: le familier (toui en bengali et toù en hindi), réservé aux enfants et aux intimes; l'ordinaire (toumi (b) et toum (h) pour les amis et les plus jeunes ; l'honorifique, la forme polie (apni (b) et ap (h), pour les aînés, les étrangers et toute personne digne de respect.

Pour résoudre au mieux cette difficulté, nous avons interrogé Swami Mangalananda, un disciple qui a côtoyé Ma pendant 17 ans, et auteur du livre Le Divin parmi nous. La vie rayonnante de Mâ Ánandamayê (paru aux Éditions Tasnim en novembre 2020).

Ce Swami connaît bien le hindi, et il signale que « la plupart des gens qui parlaient hindi sadressaient à Ma en disant « ap » par respect et révérence. Interrogé à propos du présent livre, il a ajouté: mais certains la considéraient comme leur mère, ou leur fille, et disaient alors « toum ». Pour ce qui est de la façon dont Ma s'adressait à Son public, il fait remarquer: Ma sadressait généralement aux gens en les appelant « toum », ce qui est logique puisque tout le monde était son enfant, et Elle sadressait à nous [les disciples] en utilisant également « toum ». Et en ce qui concerne « Baba», il précise: Ma sadressait presque toujours aux sadhus en les appelant Baba, quel que soit leur âge.

C'est ainsi qu'une mère sadresse à ses enfants. Parfois, quand elle s'adressait à un Sadhu important, ou même à une personne laïque (par exem-ple: Cassette 11 - Le président de l'Inde) en l'appelant « Pitaji » (Père respecté), elle utilisait la forme polie. Mais en général, pour ceux qu'Elle appelait Baba ou Pitaji, Elle utilisait « toum », car c'était là une marque d'affection. Par exemple, dans la cassette 91, elle dit « bolo » (parle !) — donc la forme familière du verbe — au Swami qui l'accompagne dans Ses satsangs.

On imagine aisément, vu les explications ci-dessus, qu'il en était de même en bengali. Lisa Prajna Hallstrom, auteur de ces deux volumes, que nous avons également interrogée, ajoute que Ma ne disait «ap» qu'aux Sannyasins et aux mahatmas, et sans doute à d'autres personnes, selon les cas.

Comme nous n'avons accès qu'au texte anglais, et qu'il nous est donc impossible de savoir avec exactitude quelle forme a été utilisée dans l'original, nous traduirons donc le « you » par « tu » ou « vous » en fonction des « règles » signalées ci-dessus, et selon une appréciation quelquefois, et forcément, approximative, car il a fallu parfois deviner.

Nous avons tenu compte aussi des occurrences où le « you » était selon toute vraisemblance un pluriel (il arrive aussi que Ma passe du « tu » au « vous » pluriel dans le cadre d'une de Ses réponses).

Il reviendra au lecteur de tenir bienveillamment compte de ce flottement, l'enseignement de Ma - tout en profondeur — restant de toute façon intact, et indépendant d'éventuelles petites erreurs ou approximations.

Comme dans le livre Mother Reveals Herself, (voir notre traduction « Mère se révèle », éd. Unicité 2022), Ma commence la plupart du temps une phrase en disant « ce corps [this body) », puis la continue en se nommant « She» « Elle» (avec la majuscule pour la raison indiquée par l'auteur dans les parties introductives de ce livre).

Nous avons fait de même pour la version française. Que le lecteur ne s'étonne donc pas si le sujet « ce corps » est repris plus loin dans la phrase par « Elle ». Et de même qu'en anglais, nous avons remplacé le pronom personnel « Le [it] [ce corps) » par « La (Her] (Ma) ».

Toutefois, pour éviter une trop grande incongruité, tous les adjectifs qualificatifs et les participes passés se rapportant directement à « ce corps » ont été correctement mis à la forme masculine, d'autant qu'en anglais l'accord en genre et en nombre des adjectifs qualificatifs est inexistant.