Satsang avec Mâ
Il est indispensable de garder votre esprit dans un environnement clair et pur et d’avoir des discussions sur Dieu et la spiritualité. Gardez toujours ceci prêt à l’esprit.
Hari Bâbu : On ne peut s'affranchir des fortes empreintes du passé qui viennent d'existences antérieures. Je vous en prie, donnez-moi un remède.
Mâ : Dans un tel cas, ce corps vous avisera de faire un compromis entre la jouissance, la recherche d'un plaisir dans le monde (bhoga) et le détachement.
Comme il vous est difficile de vous détacher des plaisirs mondains, il est préférable de pratiquer le détachement au sein des plaisirs sensoriels.
Par exemple, vous pouvez ne prendre que six copieux repas durant la semaine, et que du riz et des légumes le septième jour.
Continuez ainsi, et l'impulsion qui pousse au plaisir s'affaiblira peu à peu (...)
Il est vrai que de fortes prédispositions (samskâra) héritées d'expériences passées, d'existences antérieures, sont un fardeau dont l'homme aura du mal à se débarrasser — si louables ses intentions soient-elles. Mais il pourra y avoir des moments de répit. Aussi, l'on ne peut affirmer qu'il n'est pas possible de se débarrasser de ses samskâra.
En s'engageant sur la voie de la vertu, de la sâdhanâ, le mental pourra, en quelque sorte, être conditionné.
De même, demeurer en compagnie des sages laissera une empreinte sur le mental.
(Satsang rapporté dans In association with Sri Ma Anandamayi)
Q : A mon sens, il ne peut y avoir une vision intégrale de l'Etre suprême, au plus, nous en aurons une vision partielle...
Qu'en pensez-vous ?
Mâ : Si vous pensez que l'Etre peut se mettre en morceaux, alors vous pouvez employer le terme de "partiel ".
Mais peut-il y avoir des "parts d'Absolu" ?
Vous raisonnez en termes de parts, et vous voulez prendre "votre" part, n’est-ce pas !
Il est le Tout, Celui qui est.
Q : Mais alors, il doit bien y avoir au moins des niveaux dans la Connaissance?
Mâ : Où est la connaissance des formes du Sans Forme, il ne peut y avoir de niveau.
Aller pas à pas concerne la période où l'on cesse tout juste de courir derrière les objets, et où l'on se tourne vers l'Eternel.
Dieu n'est pas encore une évidence, mais sa quête est devenue "intéressante". Cette progression réserve des foules d'expériences...
Là où est la pensée, est fatalement l'expérience !
Les expériences traduisent les mille façons d'approcher la Connaissance Suprême.
L'esprit qui s'était d'abord empêtré dans la matérialité, affirmant que jamais on ne peut savoir si Dieu existe ou non, et qui tournait le dos à "tout cela", finalement rebrousse chemin !
N’est-il pas naturel que la lumière lui parvienne, "accommodée" à sa situation ?
Tous les états possibles et inimaginables ont un nom.
Mais les états particuliers cessent, quand le Soi est enfin reconnu !
Q : Le corps peut-il survivre à l'effondrement de notre égocentrisme ?
Mâ : Le corps est-il un obstacle à la Connaissance Suprême ?
Et d'abord la question de savoir si "le corps" existe ou non, se pose-t-elle ? A un certain stade, cette question ne se pose plus. Quand elle se pose, vous n'êtes pas établi dans l'Être Pur ; et vous attendez votre réponse !
La vraie réponse se tient là où il ne peut plus y avoir ni question ni réponse... où il n'y a plus d'"autre", plus aucune division.
Alors approcher les maîtres et recevoir leurs instructions, étudier les Ecritures, n'a plus aucun sens.
Voilà, pour un aspect de la question...
Par ailleurs, vous voyez des niveaux dans la connaissance, à la manière des niveaux universitaires sanctionnés par des diplômes, quand vous cherchez. Quand le Soi est révélé à lui-même, rien de tout ça.
Un effort personnel, la pratique de la méditation, apportent certes des fruits ; mais dans le Soi, mis en lumière, il n'y a pas de but à atteindre et pas de non-but.
Bien que ce soit, ce n'est pas.
Bien que ce ne soit pas, c'est.
Voilà !
Vous dites qu'il doit subsister un vestige de fonctionnement mental. Il est pourtant un stade où le fait qu'il subsiste ou non une trace de "mentalité" n'a plus aucun sens.
Si tant de choses peuvent être consumées, ce vestige-là ne peut-il aussi être consumé ?
Il n'y a plus ni oui ni non. Ce qui est, "est".
Méditer, contempler, est une aide tant qu'on est balloté entre acception et rejet.
Vous voulez un support, n'est-ce pas ?
Le support qui vous portera plus loin, jusque-là où il n'est plus question de support et de non-support, c'est le support sans support !
Ce que disent les mots s'"éteint".
Lui, est au-delà des mots.
Netaji : Vous dites que la véritable Nature est la même pour tous, mais la Gîtâ ne dit-elle pas : shreyân sva-dharmah vigunah/ para-dharmât svanushthitât/ sva-dharme nidha-nam shreyah/ para-dharma bhayâvahah ("Il est préférable de suivre sa propre loi, même médiocre, que celle d'autrui même parfaite. Il est mieux de périr en agissant selon son dharma ; suivre celui d'autrui est dangereux.") [Chant III, verset 35] ?
Mâ : En vérité, qu'est le svadharma ?
Le dharma de votre véritable Nature (svabhâva) est votre svadharma.
La sâdhanâ s'accomplit afin de remplir son propre svadharma (le devoir, le dharma propre à l'individu).
L'effort pour obtenir votre "véritable richesse", svadhâna, est appelé sâdhanâ.
Les mots de la Gîtâ sont très justes, bien entendu.
Réaliser le dharma de son propre svabhâva, de sa propre nature, est le devoir de tout être humain.
(Satsang rapporté de In association with Sri Ma Anandamayi)
Bithika Mukerji : Mâ, comment peut-on expliquer la personnification de l’Etre Suprême en tant que Dieu ?
Mâ : Quoi que l’on puisse dire, Personnel, Impersonnel – Le Seigneur est Lui-même tel qu’Il est.
Il est la réalité absolue, omniprésente dans l’univers, autant que demeurant au plus profond de l’être (antaryâmin).
Il est au-delà de toute compréhension, et en même temps, Il est le Soi intérieur en chacun, n’est-ce pas ?
Lui seul est (qu’on le considère comme inconnu, ou à connaître)
Celui qui est sans nom, sans forme. Cependant, tous les Noms sont Siens, Il est présent partout et universellement manifesté.
Où n’est-il pas ? Quand on touche la main de quelqu’un, il dit : « Ceci est moi ». Même ses vêtements indiquent sa présence.
Toutes les religions reconnaissent Sa présence, elles prennent leur source en lui. Comment saisir cette immensité ?
Prenons l’exemple d’une personne seule dans le tourbillon des relations (irradiant de lui) : il est le père, le fils, le mari, le frère, etc.
Il en est ainsi dans toutes les religions. Ce sont toutes des relations intimes et chacune est unique en elle-même.
Q : Les chrétiens croient que le Christ est une Incarnation, la seule Incarnation envoyée pour sauver l’humanité. Il est le seul médiateur entre Dieu et l’homme.
Mâ : D’accord, il est certainement juste pour les chrétiens de croire cela, pourquoi pas ?
La foi perd de sa vigueur spirituelle si elle est universalisée. Ce n’est pas nécessaire d’en arriver là.
La miséricorde illimitée de Dieu est répandue partout, Lui seul sait ce qui est bon pour chacun de nous. Si chaque individu regarde son propre voyage spirituel, alors il peut apporter l’aide la meilleure à ses compagnons de route.
Chaque communication de la Vérité est un évènement unique. Aucun de ces évènements ne peut être comparé à un autre.
En célébrant cette Vérité, les communautés religieuses (sampradaya) se forment ou prennent tournure. Les communautés également sont nécessaires. Elles fournissent la cohésion, l’unité générale des objectifs à atteindre, et elles donnent du courage à ceux qui ont un moral faiblissant.
C’est une bonne idée que d’appartenir à une communauté et de marcher sous sa conduite pour obtenir l’illumination.
Il n’est pas nécessaire de se méfier de la foi de nos amis chercheurs de Vérité.
Q : Les chrétiens restent attachés très fortement à l’unique évènement historique de l’Incarnation du Christ. Ils sont engagés dans leur mission.
Mâ : Pourquoi devrions-nous poser des limites à l’infini, ou des restrictions de temps à ce qui est intemporel, c'est-à-dire l’éternel ?
L’infini a des moyens infinis pour se révéler lui-même. Personne n’a le droit de dire ‘c’est seulement ainsi et pas autrement’.
Bien que, à proprement parler, un tel credo est aussi admissible, car chaque optique est concevable. Après tout, quelle est l’étendue de ce que l’on peut rejeter - à l’intérieur de l’ensemble de la Vérité ?
Réclamer l’exclusivité est une façon de renforcer sa propre foi et sa dévotion, mais dénigrer la loyauté des autres est déplacé, injustifié.
Le véritable pèlerin devrait apprécier les efforts de ses amis grands voyageurs.
Q : Si quelqu’un croit en une seule et unique Incarnation, comment peut-il comprendre la vérité des autres manifestations ?
Mâ : L’Incarnation est vraiment seule et unique, c’est une descente, une venue, une approche, un avènement, chacun étant unique à sa façon.
Comme je l’ai dit, il n’y a rien ni personne à part Dieu.
Le vrai nœud de la question est qu’il faut aller de l’avant !
Pour avancer dans une direction, il est exigé un effort suprême, constant, déterminé, sans faille.
Se détourner de ce but par comparaisons et contrastes équivaut à ralentir, à moins que certains ne soient habitués à un renforcement de leurs objectifs dans un esprit d’unité, de communion. L’Un englobe tous les chemins menant à la réalisation de cette vérité.
Q : Mâ, on ne peut pas croire en l’Un, en l’Unique seulement. Une créature, un être, sont séparés de Dieu pour toujours.
Mâ : Oui, bien sûr. Comme Dieu ne peut pas être saisi par le mental, Il est séparé pour toujours.
Etre humain veut dire habiter dans le monde des images mentales. Le mental limite la compréhension.
Dieu est séparé de l’être parce qu’il demeure au-delà des idéalisations du mental. Ce qui est suprême est, par conséquent, au-delà encore.
Aussi, il est juste de dire ‘Dieu et sa créature’. La compréhension de la séparation est elle-même la ligne de partage [italiques ajoutées par Bithikâ].
Il est votre soi le plus profond, votre témoin le plus intérieur, votre vous le plus intime.
Q : Est-ce qu’un médiateur est nécessaire pour connaître Dieu ?
Mâ : Oui, mais Dieu lui-même se révèle comme le Gourou (Médiateur). Le Gourou est Dieu lui-même.
Lui seul connaît les exigences du vrai disciple. Pour invoquer la présence du Gourou on doit devenir un vrai disciple.
Q : Est-ce que tous les chemins ont la même valeur ?
Mâ : Oui, pour autant qu’un chemin soit suivi de façon concentrée, sincère et persévérante.
Cependant, il existe des chemins et sentiers qui se révèlent être des déviations.
Quelqu’un naît avec certaines prédilections (samskaras) qui façonnent les attitudes. La façon de vivre est un amalgame d’actions, de croyances et de connaissances (karma, bhakti, jñâna). La façon dont on organise sa vie déterminera le chemin à suivre.
Dans la sphère de la recherche de Dieu, l’aide fixe de façon inévitable, même si quelqu’un est ignorant et ne distingue pas clairement la voie juste, notre chemin est réorienté dans la bonne direction par le Gourou qui apparaît immanquablement de façon à apporter de l’aide et à montrer la route. Ce sont les propres efforts de chacun et la sincérité qui doivent être évalués, pas les faits.
Q : Comment peut-on savoir si on n’est pas en train d’errer sans but ?
Mâ : Quiconque est sur le chemin en quête de Cela est touché par la paix de la vérité.
Dans ce domaine où celui qui cherche trouve, il n’y a aucune possibilité pour qu’un véritable effort soit fait en vain, ou qu’un manque de sincérité produise des résultats.
L’effort est requis parce que l’homme utilise sa volonté pour atteindre des buts matériels.
Ainsi la volonté peut également devenir comme des courroies qui conduisent l’homme au-delà de ses limites.
En réalité, seule la miséricorde de Dieu prévaut. Quand on fait un pas vers lui, Il en fait dix vers nous.
En fait, Il est constamment avec nous. La recherche en elle-même devient, par conséquent, la conclusion.
Question : Si Mataji a trouvé la paix, pourquoi continue-t-elle à errer ?
Réponse : Si je restais au même endroit, la même question pourrait se poser, n'est-ce pas ?
Pitaji, ne sais-tu pas que je suis une petite fille très agitée. Je ne peux pas rester au même endroit.
C'est une réponse. D'un autre point de vue, je pourrais dire que c'est toi qui me vois voyager.
En réalité, je ne bouge pas du tout.
Lorsque vous êtes dans votre propre maison, vous asseyez-vous dans un coin de celle-ci ?
De même, je me promène dans ma propre maison - je ne vais nulle part - je suis toujours au repos dans ma propre maison.
Question : Quels sont les traits principaux d'un saint ? A quoi peut-on le reconnaître ?
Mâ : Par principe, le Réalisé (mahâtma) est celui qui n'est rien d'autre que le Soi sans attribut.
Dès lors, comment pourrait-on le définir par certaines caractéristiques ?
Ceci dit, en lisant les Shastras (Ecritures) vous trouverez la description des traits principaux des saints et alors vous pourrez les appliquer.
N’ayant pas moi-même étudié les Shastras, je vous ai fait la première réponse...
Mais je peux ajouter que les saints (mahan) se conduisent comme des modèles pour les autres.
(Mâ était d'une famille de Shakta, les adorateurs de la Mère divine Shakti ; dans cette tradition, il y a des sacrifices animaux, alors que dans la tradition vishnouïte également très répandue au Bengale, ceux-ci sont sévèrement condamnés. D'où un perpétuel point de frottement entre les deux groupes.)
Nani Babu demanda à Mâ :
- Vous êtes la miséricorde même, vous devez enseigner au monde la non-violence (ahimsa). Pourquoi donc à ce moment-là vous avez si soif de sang ?
- Mâ : (dans un état d'être particulier — Nani Babu venait de s'adresser à elle comme si elle était directement la déesse)
Je suis en train de boire mon propre sang (une allusion à Chinnamasta, 'celle à la tête coupée' qu'on représente en train de boire son propre sang et d'en offrir à ses deux compagnes Jayâ et Vijayâ qui étaient assoiffées). Je suis nirahara ('sans nourriture', ce qui peut signifier soit 'je ne prends pas d'autre nourriture' ou bien 'je n'ai pas pris de nourriture', donc 'je suis affamée'). Je suis l'univers tout entier.
- Nani Babu : Pourquoi avez-vous une telle avidité pour les sacrifices sanglants ?
- Mâ : Pour moi, tout se vaut. Qu'est-ce que le sacrifice ? Qu'est-ce qui n'est pas sacrifice ?
Pourquoi cueillez-vous des fleurs et des fruits des arbres ? Pourquoi récoltez-vous ce qui pousse dans les champs ?
Tout ce que vous prenez n'est que sacrifice.
La divinité principale de ce lieu (Chinnamasta) est en train de boire son propre sang ? Elle absorbe tout et donne tout en retour.